REPORTAGE. À Cannes : une visite à Euclid, chasseur de matière noire

REPORTAGE. À Cannes : une visite à Euclid, chasseur de matière noire

23 février 2023 0 Par Yannick Deslandes


Euclid est prêt à être mis en cocon avant un transfert vers la Californie. Départ programmé mi-avril, pour un lancement prévu en juillet à bord d’une fusée Falcon 9 de Space X. Le télescope spatial de l’Agence spatiale européenne (ESA) a passé avec succès ses derniers tests la semaine dernière. Il trône dans l’immense salle blanche de l’établissement Thales Alenia Space de Cannes (Alpes-Maritimes).

L’Italien Paolo Musi, responsable du programme chez Thales Alenia Space, fait faire le tour du satellite à un groupe de journalistes : « Les trois miroirs de la partie optique renvoient la lumière vers les deux instruments… Le panneau solaire protège également le télescope, qui doit rester très froid (environ -100 °C) pour être précis. Là, l’élément blanc et perforé est un radiateur qui dissipe la chaleur de l’instrument infrarouge, le plus sensible… »

4,7 m de hauteur, 3,5 m de large, un miroir primaire de 1,2 m. Le télescope spatial affiche sur la balance un poids légèrement inférieur à 2 tonnes, grâce à sa structure en carbure de silicium (une céramique rigide et légère développée par Airbus). Il partira en quête de mystères fondamentaux de l’Univers.

95 % de l’Univers inconnu

Giuseppe Racca, le responsable du programme Euclid à l’Esa, résume le problème : « 95 % de l’Univers est fait d’éléments que nous ne connaissons pas. 26 % de matière noire et 76 % d’énergie noire. On ne connaît la matière sombre que par son effet gravitationnel. Et ce qu’on appelle l’énergie sombre est à l’origine de l’accélération de l’expansion de l’Univers qui a démarré il y a 4 ou 5 milliards d’années, bien après le Big Bang (13,7 milliards d’années). »

En observant deux milliards de galaxies, Euclid pourrait lever un coin du voile. La présence de matière noire dévie légèrement la lumière et donc l’image attendue des galaxies. L’analyse fine de ces déviations permettra d’obtenir une cartographie de la présence plus ou moins dense de la matière noire. C’est le boulot de l’instrument VIS fonctionnant en lumière visible. L’autre instrument embarqué (NISP), fonctionnant dans l’infrarouge, précisera distances et vitesses des galaxies.

En combinant ces données, les scientifiques comptent obtenir une cartographie de la matière noire au cours du temps (1). Mais aussi une meilleure estimation de l’accélération de l’expansion de l’Univers, qui pourrait permettre de départager les « nombreux modèles (théories) de l’énergie noire » , selon Stéphanie Escoffier, directrice de recherche au CNRS. Voire bousculer la théorie de la relativité générale, qui fonde notre conception des structures de l’Univers mais connaît « quelques tensions ».

Au cours de ses six ans de mission programmés, Euclid passera en revue une grande partie de l’Univers observable. Au-delà de la quête des mystères de l’énergie et de la matière noire, la cartographie même des galaxies sera inestimable.

Pour David Elbaz, directeur scientifique du département d’astrophysique du CEA, « Euclid est complémentaire du JWST (le grand télescope spatial américain). Il va permettre de détecter des objets rares que le JWST pourrait étudier plus précisément. La taille modeste du télescope ne doit pas rendre sceptique. Il verra des choses qu’on ne voit pas ailleurs. » Les deux instruments se croiseront dans le même secteur, au point de Lagrange L2, là où l’attraction de la Terre et du Soleil sont en équilibre.

photo le télescope spatial euclid, dans les locaux de thales alenia space, à cannes (alpes-maritimes).  ©  ouest-france

Le télescope spatial Euclid, dans les locaux de Thales Alenia Space, à Cannes (Alpes-Maritimes). © Ouest-France

La visite du satellite s’achève. On interroge Paolo Musi sur une forme en spirale gravée sur une plaque fixée à la plateforme du télescope : « Une œuvre d’une artiste anglaise (Lisa Pettibone). Les points de sa galaxie sont les empreintes digitales de 250 participants au projet (qui a impliqué 4 000 personnes de vingt-et-un pays). La mienne est quelque part sur la gauche. »

Un départ presque inespéré

Comme beaucoup de projets spatiaux, Euclid a connu son lot de retards et avanies. La mission sélectionnée en 2011 par l’Agence spatiale européenne dans le cadre du programme Cosmic Vision est la fusion de deux projets antérieurs (mettant chacun en œuvre l’un des instruments d’Euclid). Le télescope devait initialement être lancé en mars 2023 par une fusée Soyouz, depuis Kourou.

La suspension de la collaboration avec la Russie a fait craindre un report à 2024 voire à 2025, alors que l’option d’un départ avec Ariane 6 devenait improbable (Ariane 6 pourrait au mieux faire son premier vol, sans charge utile, fin 2023).

Pour la première fois, l’Esa a dû faire appel à la société américaine Space X, qui assurera le lancement (pour environ 60 millions de dollars).

(1) La vitesse de la lumière étant fixe, plus un objet est lointain, plus son image a mis longtemps à nous parvenir.

 

Source : cannes.maville.com

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